Suite à une idée de
The Bluebird qui est : « Choisir une toile d'Edward Hopper, inventer et raconter sur votre blog l'histoire qui, selon vous, s'y rapporte », je me lance !!! et j'accepte évidemment les critiques !... :-)
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Edward Hopper - « Automate » |
Elle entre dans la salle, souriante, gracieuse, s'installe à une table et commande un café. C'est une femme amoureuse, à n'en point douter, elle rayonne. Comme elle a de la chance de l'avoir rencontré, son "prince charmant", comme elle aime le dire. Cela fait tout juste un mois qu'ils se connaissent, mais il lui semble qu'ils se connaissent depuis toujours. Le hasard les a fait se rencontrer, heureux hasard, et cela a été le coup de foudre. Ils se sont vite aperçus qu'ils avaient plein de choses en commun, plein de choses à partager, plein de choses à se dire. Enfin, c'est surtout lui qui parle. Elle aime l'écouter, elle boit ses paroles. Elle l'admire tellement, il connaît tellement de choses. Elle est comme une enfant, émerveillée par ce qui lui arrive, c'est un cadeau du ciel.
Elle regarde sa montre. 20h10. Il est légèrement en retard, ce n'est pas très grave, pense-t-elle. Et elle continue à rêvasser.
"Viens vivre avec moi, ma belle. Tu verras, comme je t'aimerai", lui a-t-il dit la dernière fois. Elle a ri alors, et lui a dit qu'elle trouvait qu'il était peut-être un peu tôt pour envisager de vivre ensemble. Elle avait trouvé qu'il était alors bien pressé. Mais elle avait réfléchi, depuis, et puis, oui ! elle avait décidé de dire oui ! La prochaine fois qu'il lui poserait la question, sûrement ce soir, elle dirait "Oui ! je viens vivre avec toi, mon amour". Elle le suivrait n'importe où, elle l'aimait tant ! Elle ne pourrait dorénavant plus se passer de lui, elle le savait, elle l'attendait depuis tellement longtemps.
L'heure tourne. Il est déjà presque 21h00. Bientôt une heure de retard... Cela ne lui est encore jamais arrivé d'avoir tant de retard. En principe, c'est lui qui arrive toujours le premier, et elle arrive juste quelques secondes après. Serait-ce un signe ? Non, elle se dit qu'il a dû avoir un imprévu, une urgence, il a beaucoup de travail en ce moment, lui a-t-il dit, il ne va sûrement pas tarder à arriver.
Elle commande un autre café. Mais son visage a changé. Son teint si rose est devenu blafard. Sa pâleur est accentuée par la lumière blanche du néon. Son regard, si joyeux tout à l'heure, est devenu inquiet. Elle tourne la cuiller dans sa tasse, régulièrement, comme un automate. Elle n'arrive plus à penser, l'angoisse l'a saisie. "Que se passe-t-il ? Que lui est-il arrivé ?" Et impossible de le joindre, elle ne sait même pas son nom ! Quelle idiote, elle ne sait même pas son nom ! S'il ne vient pas ce soir, comment pourront-ils se revoir ? Ils changent de lieu de rendez-vous chaque fois. Elle sent des gouttes de sueur couler sous ses aisselles, elle a subitement très froid, des frissons glacés parcourent son corps. Elle enfile son manteau qu'elle avait négligemment posé sur la chaise, en arrivant, ce joli manteau vert qu'elle avait acheté en pensant à lui, le vert étant sa couleur préférée. Elle met son chapeau, elle ne veut pas qu'on la regarde, qu'on la voit, elle se sent trop mal et elle a l'impression que tout le monde a les yeux braqués sur elle, et l'observe.
Le temps passe. Il ne viendra pas... elle le sait, maintenant. Pourquoi n'est-il pas venu à ce rendez-vous ? L'a-t-elle blessé l'autre soir, lorsqu'elle a ri alors qu'il lui demandait de tout quitter pour partir avec lui ? Elle ne se moquait pas de lui, mais c'était sa façon à elle de réagir lorsqu'elle était émue et troublée. Elle est désemparée, elle a envie de pleurer, comme une petite fille. Il ne viendra pas, non, il ne viendra plus. Elle le sait, mais elle n'arrive pas à partir, elle est comme clouée sur sa chaise, inerte, sans vie, vidée de son âme...