Un livre en cours de lecture : Se vouloir du bien et se faire du mal, tout un programme... Très intéressant, en tous cas.
Résumé
« L'humanité a déployé assez d'intelligence pour mettre au point des machines qui explorent Mars, mais pas pour comprendre pourquoi et comment un bouchon mal vissé peut devenir un sujet de discorde. Explorant la dispute sous toutes ses coutures, ce livre résolument optimiste peut se résumer ainsi : "aucune souffrance n'est indispensable, aucune souffrance n'est gratuite". Une magistrale remise en perspective de nos errements, de nos insuffisances et de nos idéaux. »
Extraits
« Il faut y insister, cette façon qu’ont les individus d’affirmer leur toute-puissance, irréfléchie et autoritaire, mais également sensible et vulnérable, ne vient pas d’un retour dans le temps où ils étaient réellement des enfants ; elle est l’enfance, en ceci qu’elle révèle l’extrême fragilité de tout individu en proie à une brèche. »
« La grande difficulté est qu'il existe, malheureusement, un seuil au-delà duquel la frustration liée à une interaction est si importante que c'est la brèche qui devient motrice : c'est le cas des disputes qui laissent chacun "hors de soi". Alors, l'individu adhère et s'identifie à une partie de lui-même en proie à une brèche, de sorte qu'il vit sa contrariété comme une question existentielle, c'est-à-dire comme une affaire de vie ou de mort. Cela semble toujours exagéré aux yeux des autres, mais le système individuel n'a pas complètement tort : la brèche fait tendre l'interaction vers la désorganisation, donc vers la destruction. A force de le désorganiser, la brèche prend donc le contrôle de l'individu (à ceci près qu'une brèche ne contrôle rien, elle désorganise seulement) de sorte qu'elle lui fait dire et faire n'importe quoi, y compris contre son propre intérêt. Tout son système se trouve alors entraîné vers l'instabilité, signalant que la brèche est en train de s'agrandir. »
« Quand nos interactions s’accélèrent, est-ce qu’on ne devrait pas tout simplement les ralentir ? Si l’on tenait cela pour une solution, on s’apercevrait vite que le fait d’étouffer nos élans et de bâillonner nos émotions soulève toujours plus de problèmes qu’il n’en résout. En général, il s’agit d’une violence sociale dont les effets sont en réalité catastrophiques, car la censure nuit infailliblement à ceux sur qui elle s’exerce, a fortiori lorsqu’ils l’exercent sur eux-mêmes, comme on peut le voir chez beaucoup de femmes qu’une longue tradition de silence conduit à s’enfermer dans la prison du repli, ou encore chez certains « subalternes » qui, à force de se taire, se retrouvent prisonniers de formes contemporaines d’esclavage. »
« L’idée que l’on puisse être « hypersensible » ou « pas assez sensible » fournit une variante à la culpabilisation de soi et des autres : elle consiste à refuser la dimension naturelle et logique des querelles en les situant en dehors d’une norme ou d’une moyenne où nous devrions toutes et tous nous situer. Mais enfin, comment peut-on se blâmer d’être « trop » sensible, alors que c’est par là que l’existence révèle tout son relief et que la beauté de la vie prend son sens ? Ne serait-il pas plus fécond de considérer que tous les individus humains sont sensibles, même s’ils ne le sont pas aux mêmes choses ? »