Christian BOBIN est mort il y a deux jours, il avait 71 ans.
J'ai lu plusieurs de ses ouvrages, j'aimais son écriture, j'aimais la poésie de ses mots.
Je lui rends hommage par ce billet et quelques lignes de ses livres.
La part manquante
« Ce qu'on apprend dans les livres, c'est-à-dire "je vous aime". Il faut d'abord dire "je". C'est difficile, c'est comme se perdre dans la forêt, loin des chemins, c'est comme sortir de maladie, de la maladie des vie impersonnelles, des vies tuées. Ensuite il faut dire "vous". La souffrance peut aider - la souffrance d'un bonheur, la jalousie, le froid, la candeur d'une saison sur la vitre du sang. Tout peut aider en un sens à dire "vous" , tout ce qui manque et qui est là, sous les yeux, dans l'absence abondante. Enfin il faut dire "aime". C'est vers la fin des temps déjà, cela ne peut être dit qu'à condition de ne pas l'être. La dernière lettre est muette, elle s'efface dans le souffle, elle va comme l'air bleu sur la plage, dans la gorge. "Je vous aime." Sujet, verbe, complément. Ce qu'on apprend dans les livres, c'est la grammaire du silence, la leçon de lumière. Il faut du temps pour apprendre. Il faut tellement de temps pour s'atteindre. »
La Lumière du monde« Quelqu’un m’a aimé, par cet amour j’ai été sauvé de ma vie et du monde. Il m’a semblé que c’était cette lumière que je cherchais étant enfant. Tout d’un coup quelqu’un rassemble toutes ces lumières et me les donne. C’est comme si je posais ma main sur le cœur nu de la vie. Je suis prêt à ce que tous mes livres disparaissent et même le prochain, sauf cette phrase : la certitude d’avoir été un jour, ne serait-ce qu’une fois, aimé, et c’est l’envol définitif du cœur dans la lumière. »
« J'ai une petite boite avec moi qui n'existe pas mais qui ne me quitte jamais. Elle ressemble à ces petites boîtes dans lesquelles les enfants s'amusent à mettre des perles. Dedans, j'ai mis quelques sourires, et parfois je les regarde et ils sont aussi beaux et aussi neufs qu'autrefois. C’est l'amour qui est dans cette petite boîte. Je peux tout perdre mais pas ça. Quand je l'ouvre, je retrouve le vrai sens, la vraie direction, l'unique certitude que je peux avoir. C'est quelque chose de minuscule mais d'indestructible. Je n'ouvre pas souvent cette boîte. Je ne l'ouvre que de temps en temps, pour que rien ne s'évente, mais le regard que j'y jette à cette durée très longue qu'ont les éclairs et j'en ramène un sentiment d'éternité. »
L'homme-joie« Nos pensées montent au ciel comme des fumées. Elles l'obscurcissent. Je n'ai rien fait aujourd'hui et je n'ai rien pensé. Maintenant c'est le soir mais je ne veux pas laisser filer ce jour sans vous en donner le plus beau. Vous voyez le monde. Vous le voyez comme moi. Ce n'est qu'un champ de bataille. Des cavaliers noirs partout. Un bruit d'épées au fond des âmes. Eh bien, ça n'a aucune importance. Je suis passé devant un étang. Il était couvert de lentilles d'eau - ça oui, c'était important Nous massacrons toute la douceur de la vie et elle revient encore plus abondante. La guerre n'a rien d'énigmatique - mais l'oiseau que j'ai vu s'enfuir dans le sous-bois, volant entre les troncs serrés m'a ébloui. J'essaie de vous dire une chose si petite que je crains de la blesser en le disant. Il y a des papillons dont on ne peut effleurer les ailes sans qu'elles cassent comme du verre. L'oiseau allait entre les arbres comme un serviteur glissant entre les colonnes d'un palais. Il ne faisait aucun bruit. Il était aussi simplement vêtu d'or qu'un poème... Il y a une vie qui ne s'arrête jamais. Elle est impossible à saisir. Elle fuit devant nous comme l'oiseau entre les piliers qui sont dans notre cœur. »
Oui, j'avais appris son décès hier. C'était un auteur apaisant. Tu le cites :
RépondreSupprimer« Quelqu’un m’a aimé, par cet amour j’ai été sauvé de ma vie et du monde. Il m’a semblé que c’était cette lumière que je cherchais étant enfant. Tout d’un coup quelqu’un rassemble toutes ces lumières et me les donne. C’est comme si je posais ma main sur le cœur nu de la vie. Je suis prêt à ce que tous mes livres disparaissent et même le prochain, sauf cette phrase : la certitude d’avoir été un jour, ne serait-ce qu’une fois, aimé, et c’est l’envol définitif du cœur dans la lumière. »
J'avais lu "La plus que vive" qui m'avait bien plu.
Merci pour ces extraits, on l'on retrouve les phrases si marquantes qu'on n'oublie pas. Avec ses mots, il nous a offert la lumière si nécessaire à nos vies.
RépondreSupprimerOui, et il est bon de relire régulièrement ses mots.
SupprimerQuels beaux extraits ! Tu as bien choisi...
RépondreSupprimerIl est parti discrètement, sur la pointe des pieds...comme il a vécu.
Mais il va laisser un grand vide dans nos coeurs.
J'ai choisi des extraits qui me touchent et me parlent, La Licorne.
SupprimerOui, il va laisser un grand vide dans nos cœurs, heureusement qu'il a beaucoup écrit et que nous pourrons le retrouver à travers ses mots.
Par exemple.... tu me l'apprends..... Christian Bobin que j'aimais beaucoup. Un auteur-poète qui a su si bien traquer le vide, le manque, l'absence, pour
RépondreSupprimeraussitôt s'en emparer pour en laisser apparaître en mots une clarté inattendue.
Cette nouvelle m'étonne et me rend triste. Heureusement que ses livres demeurent.
Merci pour les extraits choisis.
BISOUS Françoise.
Oui, nous pourrons continuer à lire ses mots qui nous font tant de bien.
SupprimerBisous, chère Den.
Bonjour Françoise. Sa mort m'a touché, je venais d'acheter "Muguet rouge", je voulais écrire un article pour le blog et je ne savais pas comment parler de cette lumière qui m'avait éclairé et qui m'éclaire encore. Merci.
RépondreSupprimerBonjour Philippe
SupprimerJe pense acheter prochainement "Muguet rouge". Il est difficile de parler de Christian Bobin sans utiliser ses propres mots.
Merci à toi.
Les morts sont des gens étranges…Leurs paupières ont la lourdeur des pierres de monastère. On les dirait captifs d’une lecture pour nous indéchiffrable
RépondreSupprimerChristian Bobin « L’homme joie »
« Ceux qui ont disparu mêlent leur visage au nôtre. Nous sommes étroitement
liés, souterrainement, dans une métamorphose incessante. C’est pourquoi il
est impossible de définir aussi bien la vie que la mort. On ne peut que parler
d’une sorte de flux qui sans arrêt se transforme, s’assombrit puis s’éclaire de
façon toujours surprenante. La mort a beaucoup de vertus, notamment celle
du réveil. Elle nous ramène à l’essentiel, vers ce à quoi nous tenons vraiment. »
Christian Bobin
Magnifiques mots de Christian Bobin. Merci Marie.
SupprimerC’est curieux. J’ai souvent lu ça et là quelques phrases de ses livres sans n’en avoir jamais lu aucun. Je suis passé à côté…mais il reste toujours le temps de se rattraper.
RépondreSupprimerMerci de vos beaux commentaires. Je vous embrasse.
Oui, prenez le temps de le lire, Mr Jacques.
SupprimerMerci à vous.
Un poète généreux.
RépondreSupprimerUne étoile de plus brille dans la nuit de nos rêves.
Par ses écrits, il ne nous quittera jamais.
Oui, un poète généreux dont les mots nous accompagneront toujours malgré son absence.
SupprimerJe n'ai jamais présenté un de ses livres sur mon blog...il faut dire aussi que je l'ai beaucoup lu dans les années 80-90 et puis je suis passée à autre chose. Il faudra que je découvre un jour ces plus récents ouvrages c'est certain. Bises et bonne journée
RépondreSupprimerJe lis Christian Bobin depuis bien longtemps maintenant, et ses mots me touchent toujours autant. Le lire, le relire, je ne m'en lasserai jamais. Bises à toi aussi, Manou, et une bonne journée.
Supprimer« J'ai une petite boite avec moi qui n'existe pas mais qui ne me quitte jamais. Elle ressemble à ces petites boîtes dans lesquelles les enfants s'amusent à mettre des perles. Dedans, j'ai mis quelques sourires, et parfois je les regarde et ils sont aussi beaux et aussi neufs qu'autrefois. C’est l'amour qui est dans cette petite boîte. Je peux tout perdre mais pas ça. Quand je l'ouvre, je retrouve le vrai sens, la vraie direction, l'unique certitude que je peux avoir. C'est quelque chose de minuscule mais d'indestructible. Je n'ouvre pas souvent cette boîte. Je ne l'ouvre que de temps en temps, pour que rien ne s'évente, mais le regard que j'y jette à cette durée très longue qu'ont les éclairs et j'en ramène un sentiment d'éternité. »
RépondreSupprimerJ'ai toujours adoré cette petite boîte!
J'aime beaucoup moi aussi cette petite boîte si bienfaisante.
SupprimerJe ne savais pas où chercher des mots justes pour saluer ce défunt, merci car chez vous c'est exactement ce qu'il faut.
RépondreSupprimerAvec plaisir, Myosotis.
SupprimerComme je l'ai écrit chez moi, il écrit des choses différentes à chacun de nous, chacun puise à sa source ce dont il a besoin pour le nourrir, l'éclairer ou l'apaiser.
RépondreSupprimerOn peut connaître un peu quelqu'un en regardant ce qu'il cite de Bobin je crois.
J'aime beaucoup ta sélection. Surtout la première. Et la petite boite.
Je croyais avoir lu tous ses livres, je vois que ce n'est pas le cas. Il me manque l'homme joie, et puis le dernier. Tant qu'il m'en restera à lire et à découvrir, ce sera comme s'il était toujours là...
On peut connaître un peu quelqu'un en regardant ce qu'il cite de Bobin je crois. Oui, je le pense aussi.
SupprimerJe n'ai lu que six de ses recueils, mais j'en lirai d'autres, c'est certain.
Bonne fin de journée, Pastelle.