Un livre que je viens de lire et qui m'a fortement intéressée et parlé, sûrement par rapport à l'histoire de mon petit-fils.
« Il est vrai que les difficultés rencontrées peuvent devenir formatrices et qu'un homme possédant un peu de bon sens en tirera plus de profit qu'en consultant les ouvrages pompeux de bien des spécialistes de l'éducation. La difficulté aguerrit, stimule, elle oblige à trouver des solutions. A ce sujet, on m'a raconté que souvent des enfants de même handicap progressent différemment selon le cadre familial et chacun peut le constater. Je me souviens que l'on critiquait âprement une mère. Cette dernière, faisant confiance à son fils, l'avait laissé prendre le train seul malgré sa démarche qui l'apparentait plus à un automate qu'au commun des mortels. J'imagine qu'elle ne l'avait pas quitté de gaieté de coeur.
On a vu des mères qui, par amour, ne s'éloignent pas de leur enfant d'une semelle. L'amour peut constituer un frein au progrès, comme le mépris. S'il enferme, il étouffe les capacités de l'enfant. Je ne parle que de mon expérience personnelle que je ne tiens pas à généraliser. Simplement, je remarque que la confiance a été vitale dans mon parcours. » (p. 34)
« Inconsciemment je percevais et comprenais que ma présence était pour beaucoup de personnes associée à un échec, un accident. J'incarnais pour eux une sorte de souffrance qui les culpabilisait. Ils se rendaient presque coupables de mon handicap. Je jouais le rôle d'une mauvaise conscience.
A plusieurs reprises, j'ai constaté que lorsque je traverse un groupe de personnes, elles se taisent, prennent un air compassé, un peu comme on soulève son chapeau au passage d'un corbillard. Puis derrière moi, les bavardages reprennent. S'agit-il d'un réflexe ? Je l'ignore. » (p. 48)
« Je me rappelle toujours cet esprit rebelle à qui j'adressai ma salutation habituelle : "Sois sage." Un jour, il me répondeit à brûle-pourpoint : "Et toi, marche droit !" Cela me procura un plaisir extrême. Il m'estimait pour moi-même et n'avait pas pris les pincettes que prennent ceux qui me sourient béatement quand, à la caisse, je paie mon paquet de spaghettis aux herbes. Il y a des sourires qui blessent, des compliments qui tuent. » (p. 45)
« Eloge de la faiblesse », Alexandre Jollien.
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