dimanche 4 septembre 2016

Personne ne peut quitter son temps

Un texte que j'ai aimé lire chez ​ Jean-Jacques :

« Après Mai-68, beaucoup ont choisi de changer de vie à défaut de pouvoir changer le monde.
Ils sont partis vers des lieux alternatifs -île, montagne, désert- ou ont entrepris un voyage sans fin autour du monde.
Tout quitter est enivrant. Ce n'est pas la fuite du fugueur -un élan sans autre but que de quitter un plancher qui brûle sous les pieds-, ni de l'exil tragique du migrant poussé par la nécessité, ni la dérive du vagabond sans toit ni loi.
Cette rupture raisonnée porte un projet de vie, préférant la communauté à la famille étroite, le partage à la propriété, la nature à la ville, la frugalité du potager au consumérisme des grandes surfaces. Si de nombreuses utopies se sont effondrées sur des conflits de vaisselles pas faites, de jalousies amoureuses ou de griefs économiques, ces entreprises ont été riches et certaines demeurent encore bien ancrées dans leur "ailleurs meilleur" * , selon les mots du chanteur Robert Charlebois.
L'essentiel du tissu social contemporain, en France est nourri de migrations réussies. Cependant, si chacun peut choisir de quitter l'espace, personne ne peut quitter son temps. Nous avons beau naviguer dans l'espace, l'époque nous enserre. Nous ne sommes chez nous nulle part. Le chez-soi, du point de vue de l'anthropologue, reste une chimère.
Imaginons un propriétaire qui aurait un terrain étendu jusqu'à l'horizon. Quand il se murmure "ceci est à moi", son coeur gonfle de plénitude. Mais un marcheur, rien dans les poches, traverse ce même territoire. il n'est pas chez lui, mais il est au monde, précisément car ce dernier ne lui appartient pas. Au moment de mourir, cette condition de solitude sous le ciel, avec rien qu'un peu de temps restant, devient l'unique vérité de l'humain.
Le nomade le sait bien. Son expérience est anthropologiquement celle de l'espèce humaine circulant sur la planète au cours de l'hominisation . Elle symbolise aussi, physiquement et philosophiquement, le mode le plus intense de présence à soi et au monde dans nos sociétés déchirées de frontières meurtrières et de trouées de zones privatisées. »
-> Véronique Nahoum-Grappe

14 commentaires:


  1. ton texte est fort intéressant... qui m'amène à plusieurs réflexions: celle tout d'abord sur la propriété... qu'est ce qui nous appartient vraiment? pourquoi ce besoin de posséder, toujours plus... pour ma part, même si j'aime un minimum de confort, je n'ai plus envie d'investir dans le matériel, le superflus... c'est sans fin. depuis que j'ai découvert la poésie, j'aime broder au fil de l'eau, au fil de soi(e), au fil de l'encre des petits poèmes. Explorer, cette petite part de créativité que l'on porte en soi n'a pas de prix et c'est une belle richesse pour soi...ça m'éloigne un peu de cette société de consommation...
    L'autre réflexion porte sur l'espace temps... où parfois la frontière est mince. Je veux dire par là,que le temps parfois, le temps suspendu, qu'offrent certains moments dans la vie est un lieu dans lequel j'aime m'installer!
    Merci pour ce partage, cet texte qui mériterait d'être médité, approfondi.
    Belle semaine, à toi, Françoise.

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    1. Bonjour El Linda, merci pour ce joli commentaire. Le temps suspendu qu'offrent certains moments dans la vie est un lieu dans lequel j'aime m'installer, je reprends tes mots car c'est ainsi que je ressens moi aussi certains moments de la vie et je m'applique plus que jamais à en profiter.
      Beau dimanche à toi. Je t'embrasse.

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  2. Oh! combien je partage ce texte très profond et surtout à la mesure de la réalité du monde. On se pose souvent les mauvaises questions et forcément on aura que des mauvaises réponses. L'homme doit prendre conscience que sa vie ne se limite pas à acquérir une propriété et à se cloîtrer dans un espace en se croyant protéger de tout. Beaucoup d’exemples dans le monde nous ont démontrés que la vie n'est pas seulement basée sur du matériel où des idées arrêtées et figées, mais sur l'adaptation perpétuelle avec ses conditions de vie et l’élévation de son esprit pour être en harmonie avec ses conditions existentielles.

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    1. Il faut qu'on apprenne à ne plus se laisser contaminer par cette société de surconsommation, et à ne plus penser qu'il est impossible d'être heureux si l'on n'a pas tout ce qui est censé nous apporter le bonheur. Que de mensonges on peut entendre pour nous faire acheter, adhérer, etc !
      Merci pour ton commentaire, Bizak.

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  3. Je t'embrasse Françoise et très belle nuit

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    1. Une très belle journée à toi, Bizak. Je t'embrasse aussi.

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  4. Un texte très profond et très vrai !!! Merci Françoise !
    GROS BISOUS

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  5. Savoir s'adapter, là est la vie et le matériel n'est fait que pour vivre dans de bonnes conditions. Pas besoin d'accumuler pour vivre heureux puisque le bonheur d'exister est dans le naturel et la simplicité. Bises

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    1. Oui, Lauriza, pas besoin de grand chose finalement pour être heureux. Plus nous accumulons de "richesses", et plus nous oublions le vrai sens du mot bonheur. Vivons naturellement et simplement, oui.
      Bises à toi aussi, et un bel après-midi.

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  6. Très beau texte, invitant à la réflexion. Je pense en particulier à la liberté absolue du nomade et de celui qui ne possède rien… mais en même temps je ne peux m'empêcher de penser au confort que procure un toit, un peu de chaleur et un minimum d'objets essentiels (mais le sont-ils vraiment ?). La liberté nomade est belle, mais âpre. D'un côté je l'envie, et en même temps je pense à l'inconnu perpétuel : de quoi demain sera fait ?

    Et que penser de « l'époque nous enserre »...

    Merci pour ce texte en partage :)

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    1. Merci à toi de t'y être intéressé, Pierre.
      Un très beau texte, oui, qui invite à la réflexion. Le blog de Jean-Jacques foisonne de tels textes.
      Belle soirée à toi.

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  7. Bonjour Françoise.
    Ayant un peu de temps libre, j'ai décidé de le remonter.
    Très beau texte, littéraire, avec lequel je suis en profond désaccord.
    Un beau bordel qu'ils nous ont laissés, oui, les soixante-huitards.
    Alors, quoi, on casse tout, on n'arrive pas à réparer, alors on s'enfuit, lâchement.
    L'utopie est séduisante, elle peut envoûter quiconque.
    Nous sommes nombreux à être tombés dans le panneau.
    Ce n'est pas le problème.
    Mais porter un regard nostalgique sur cette période me sidère.
    Un Cohn-Bendit ne me fait guère rêver.
    Les vrais révolutionnaires, pas ceux de pacotille, ne s'arrêtent pas au milieu du chemin et ne changent pas d'idéal comme de chemise à fleurs, de famille (étroite ? autant que leurs idées sont larges ?) comme d'espadrilles.
    L'humanité n'est devenue nomade que par nécessité, suite aux bouleversements climatiques;
    Mais le nomadisme n'est en aucun cas l'essence de l'humanité (comme voudrait nous le faire croire ce cher Attali, ce "nomade" qui voyage d'hôtel de luxe en palace)
    l'Homme, à l'instar des Grands singes, dont il descend, est un animal casanier et grégaire (le domaine vital, chez les gorilles, ne dépasse jamais 40 km²)
    Je n'ai rien contre les voyages et les migrations (je pense, légitimement, pouvoir en parler) mais, on ne trouve jamais ailleurs ce que l'on est incapable de trouver en soi, penser le contraire est un leurre éphémère. (ne sont pas envisagées ici les migrations dictées par l'instinct de survie)
    Supprimer les frontières ne supprimera pas, hélas, la folie meurtrière de l'Homme.

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    1. Là où je suis entièrement d'accord avec toi, c'est lorsque tu dis qu'on ne trouve jamais ailleurs ce que l'on est incapable de trouver en soi. Oui, je le pense vraiment moi aussi. Mais ce n'est pas toujours chose facile, c'est même parfois très difficile. Les gens pensent qu'en changeant de région, de pays, de boulot, de maison, de femme, de compagnon, etc., tout ira mieux, mais c'est une erreur. Certains s'évertuent à continuer à changer, pensant qu'il arrivera bien un jour où ils trouveront ce qui leur manque, ils passent leur vie à chercher, et la vie passe, et ils ne trouvent pas, car, en effet, ce qu'ils cherchaient, était en eux.

      Merci pour ce commentaire fort intéressant, Rom.
      Bonne soirée, bises.

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